• POST-TRAUMATISME FRONTAL extrait de BILAL de E.Guezou

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    Voudrais retourner à l’intérieur de moi in vitro vivo traverser marcher à l’intérieur de moi et m’y retrouver là-bas à l’intérieur de moi l’autre intérieur de je

                                                 

                                                    à cet instant qui suis-je là-bas ?

     

    Algérie je retourne là-bas moi qui n’y est jamais mis les pieds là- bas. Je retourne là-bas moi à l’intérieur de lui lui qui n’y est jamais retourné ici. Algérie 62 ça veut dire quoi pour moi ? Gosse France 79  je retrouve lettres de lui lui grand frère de ma p’tite mère foto en pied  en arme collée au mur de ma mémère diplômé  « mort pour la France ». 21 ans sur la foto le héros. 21 jours avant retour ici balle perdue là dans la jambe pour courir un fellagah hémorragie «  tu peux toujours courir tonton avec ta jambe en coton puis bientôt tout le reste pareil ». En pied tu n’est plus que sur la foto allongé sur l’herbe brûlante en noir et blanc tu es dorénavant. J’ai lu gosse tu écrivais « ils n’ont rien compris » les Fellagah Algérie 86 ceux-là  sûr n’ont rien compris les Fais-la-guerre. France même année lycée mon ami Amar mon Fellagah écrit sur le mur « Le Pen l’Algérie tu t’en souviens ? ». Gosses au lycée ça cognent

    Le Pen plein la tête tout craché la boule à zéro des cailloux dans les poings  gosses au lycées Fais-la-guerre coup de boule l’arabe hein Amar « la France tu t’en souviens ? » Le Pen la tête (e brezhoneg maj plij !).Gosse au lycée je les poings dans les poches machoires serrées sans armes justes les larmes les miennes  mon ami mon Fellagah Amar plus tard maintenant un jour cogné Hémorragie devenu fou. J’écris maintenant un jour la voix de l’homme des murs «  rage orage ô rage des mot des mots des mots  il y’a quelquechose de pourri ». J’écris les bienfaits de la colonisation à cœur ouvert  j’écris Malik foudroyé Oussékine sous le tonnerre d’applaudissements des baramines. J’écris mon Pépère ta gueule crachant bougnoules bicots ratons raté mon pépère « Fille brune je t’aime » tatoué là c’est comme ça t’es plus là ici-bas. J’écris Fille Brune son pépère Harki nulle part dans les manuels ça s’écrit Hamed et ses valises aussi nulle part ça s’écrit. J’écris  l’autre héros tonton en pied lui amoché quand même muet sur le sujet. Le sujet (moi) cet autre fois « c’est à cause de toi (moi) qu’on a perdu l’Algérie ! ». Le sujet moins 8 ans en 62. Entre les mains du sujet présentement la carte

    Michelin Algérie-Tunisie édition 09 (France) tracés encore tenus secrets pour le sujet tracés entretenus secrets par le Non- sujet.  Présentement donc parole du sujet contre parole d’Etat monstre un œil une dent une parole. Froid assujetti uni le Roi Borgne à la grande Muette la Macbête. Sourd donc la parole des fausses bouches communes sourd donc la parole unique unifiée uniciselée unifigée étouffé le feu étouffer le feu dans les banlieues de la mémoire assignée. Pas d’issue pour celles et ceux z’ issus de l’immigration pas d’ici seul un ici-bas brouillard à couper au couteau épaissis sans sommation les mémoires de nos cités sensibles d’ici ensommeillées. Brouillard électrique lacéré par des éclairs lames des Fellagahs larmes de toutes celles et ceux qui tonnent silencieux du plus profond de la mémoire d’ici. Puit de larmes de toutes celles et ceux qui l’arme au poing dressent ces points suspendus au- dessus des têtes de toutes celles et ceux qui s’entêtent à décrocher le point final. « Têtes hautes » pas de détails lacères l’œil unique « mains propres » cognes cognes parole au poing ça continue de cogner brisons les leurs de mains sales propres nos lendemains propres à décrocher leur point final. Suspendre.

    D’amour-propre qu’on les pende à leur tours pathétiques potences pyromanes au « carsher racaille »vous qui disiez cela vous en êtes  de la pire espèce il ne cesse de pleurer en moi lui qui n’en revint pas d’ailleurs n’en revient pas d’ici. Brouillards avides bruines acides givrent brûlent mes os radiographiés projetés en diaporama sur mon plafond blême «  A vivre te reste la moitié de ce que tu as vécu » dit une nuit L’Homme des murs au sujet (moi) plus 40 ans en 50. Voix des sujets aux creux des vents qui au même instant traversent nos collossales architectures osseuses voix des sujets qu’on perpétue sur l’océan du futur à vivre peu. Exomil expulsion de nos membres de nos vouloirs vivre là en nous chez nous en comités d’humanité invisibles imprévisibles. Voix vagues soporifiques des labos collabos pharmaceutiques qui dans ses longs voiles nuits salent les images nocturnes de celles et ceux d’ici décomptent les naufrages de celles et ceux de là-bas. Ainsi n’allons que par les fonds mais pas seul pas sûr unis peut-être par delà l’enceinte formentons la langue la lame de fond. Balayons d’un revers de main d’Anahon la farce la face d’en face têtes nues mains en lames de fond du front d’Alger la blanche aux frontières d’ici évanescentes écumes larmes de nos recouvrances.